2016-12-17   2017-01-14

NUIT NOIRE

Christiane Ainsley et Valérie Morraja

Galerie Porte Étroite, Toulon

Une exposition qui offre une expérience immersive dans l’espace de la galerie, totalement obscurci.
Bien que les démarches artistiques des deux artistes Christiane Ainsley et Valérie Morraja soient différentes, elles se conjuguent parfaitement dans ce contexte, autour des thèmes de la lumière et de l’aura.

Photographie de l'écran
[REC#PAUSE] 1 to 5
Pigment photoluminescent et impression sur plexiglass
50 x 65 cm chaque


Photographie de l'écran
Photographie de l'écran
Photographie de l'écran
[REC#PAUSE] 1 to 5
Pigment photoluminescent et impression sur plexiglass
50 x 65 cm chaque


Photographie de l'écran
Spectre
Panneau de LED 32x32 pixels, papier calque bleu, Arduino, impression 3D
19,2 x 19,2 x 6 cm


Photographie de l'écran
Play
(Triptyque)
Pigment photoluminescent sur toile
100 x 103 cm


Dans la salle consacrée au travail de Valérie Morraja pour Nuit noire, règne une ambiance spectrale. Dès l’entrée, cinq images photoluminescentes, évoquant le monde du paranormal, sont éclairés de manière intermittente par un stroboscope. Le spectateur est ainsi plongé dans l’éclairage bleuté et éblouissant qui alterne avec l’obscurité, alors qu’il cherche à déchiffrer la signification d’images au pouvoir allusif et hermétique. Face à [REC#PAUSE], nous sommes dans le monde du fantomatique, des esprits et des croyances, une ambiance paradoxalement induite par une technologie qui se manifeste dans le grésillement sonore du dispositif d’éclairage. Tout près, dans l’obscurité presque totale, un petit écran LED intitulé Spectre affiche le clignotement de pastilles lumineuses. Il côtoie l’oeuvre Play, composée de trois panneaux enduits de peinture phosphorescente sur lesquels le spectateur peut dessiner à l’aide d’une petite lampe mise à sa disposition. On y laisse sa trace, marquée par un trait de lumière, qui disparaît lentement. Valérie Morraja souhaite explorer le pouvoir des images sur les spectateurs et sur leur travail d’interprétation de l’environnement visuel. Sa démarche, ainsi, rejoint celle d’historiens qui ont montré comment, depuis l’Antiquité, les objets d’art ont été collectionnés parce que les choses visibles renvoient toujours à un monde invisible. Magie noire et magie de l’archive.

Christine Bernier est Professeure au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques, directrice du Programme de muséologie de l'Université de Montréal (Canada) et spécialiste de l'art contemporain


Valérie Morraja travaille sur le visible et l'invisible, sur les phobies qui hantent notre enfance, nos nuits, nos forêts et qui prennent différentes formes et visages en fonction des éclairages. L'univers de Valérie Morraja est peuplé de fantômes, d'esprits et d'ovnis, il mélange aussi bien le passé qui a été, qu'un futur à venir, pourtant tous deux présents au cœur d'œuvres d'art aussi énigmatiques qu'innovantes. Ces invisibles habituellement tout juste ressentis comme des ombres qui filent ou des flashs prennent ici forme et sont apprivoisés dans l'instant de l'œuvre d'art. On touche aux croyances ancestrales en l'âme qui ne meurt jamais et qui réapparaît au moment le plus inattendu, ici sur un tronc d'arbre mort, là sous forme de signes ou de graffitis. Ces associations ne laissent pas indifférentes, l'émotion qu'elles génèrent nous renvoie à notre moi profond et nous questionne sur notre existence, nos peurs, notre passage sur terre qui n'est qu'éclair, que flash de la pensée. Ce que ces œuvres d'art disent est aussi fort que ce qu'elles ne disent pas sur ces esprits d'un jour, d'une seconde, d'un rêve ou d'un cauchemar. Elles nous rappellent combien l'œil est trompeur, combien les sens sont trompés et jamais totalement fiables pour scruter une réalité dont nous ne soupçonnons que rarement tous les contours.

Astrid Guillaume est Maître de conférences (HDR), Université Paris Sorbonne.
Domaines de recherche : Transferts du sens verbal et non-verbal, Traductologie, Sémiotique des cultures